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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/35

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Mais ce n’est encore que le seuil de la demeure du génie. — Convenons-en ! Le contenu psychologique ne suffirait pas à faire le prix d’une œuvre de Beethoven. Ce contenu n’est pas très varié. Nous le verrons[1], c’est presque toujours le même débat intérieur ; et les péripéties en varient rarement… Douleur et joie… Joie au travers de la douleur… Orgueil, amour… Mélancolie, humour… Combat et paix… L’ordre des facteurs est à peine modifié. Mais les facteurs restent les mêmes, à part l’évolution des sentiments et des pensées, au cours des ans. Ce contenu n’est d’ailleurs point — (toutes proportions gardées) — sensiblement différent de celui de toute une catégorie d’hommes d’un même temps. (Mais c’est aussi ce qui lui assure sa communicabilité avec les masses humaines, qui retrouvent dans l’œuvre de l’artiste une parenté spirituelle).

Ce ne serait point assez pour dominer le temps, et pour lui survivre. Il est indiscutable que la royauté d’une œuvre d’art tient à la force et à la beauté de son expression artistique. La perfection de la forme et son originalité éternisent l’artiste — (si tant est qu’on puisse appliquer ce mot d’éternité à la constance, non pas rigide, mais mouvante des lois naturelles de l’art, et des rapports essentiels existant entre a sensibilité humaine et ses moyens d’expression). Mais qu’on ne dise point qu’elles existent sans l’artiste ! Même quand l’artiste s’efface, et même quand il est effacé par le temps, comme ces marbres antiques dont on ne sait plus rien de l’homme qui les enfanta, l’homme est toujours là.

  1. Notamment, dans l’analyse de l’adagio de l’op. 106.