Aller au contenu

Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/375

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
363
LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

rappelle le chœur funèbre, au début d’Orphée. Comment douter de sa vérité ? Les larmes que verse Beethoven, malgré lui, devant Schindler, nous livrent le secret de toutes celles que, dans la solitude, il a pleurées, quand sa souffrance et sa lassitude de vivre cherchaient un refuge auprès du Sauveur, que sa musique implorait.

Et sans doute, la musique dont il est ici question est celle de la première Messe, de 1807. Mais les larmes sont d’après la deuxième Messe, en 1823. La continuité de l’émotion atteste la profondeur de la foi chrétienne. N’acceptons donc point l’affirmation de Schindler, que ses conceptions religieuses « avaient beaucoup plus leur source dans le déisme que dans la croyance d’église ! » (weniger ciuj dem Kirchenglauben beruhten, als vielmehr im Deismus ihre Quelle hatten). Le récit même de Schindler le contredit. La figure du Christ était au centre de ses pensées, de ses prières. S’il n’aimait pas à en parler, c’est que, justement, sur le plus profond et le plus cher, il gardait un silence farouche1. A-t-il parlé davantage de « l’Immortelle Aimée » ? Il avait donc un grand besoin de communier avec l’Agneau, avec le Dieu d’amour et de pitié. Et ce besoin ne fut jamais plus aigu qu’au sortir de la grande crise de 1817, où son génie ressuscita vraiment d’entre les morts. Nous avons vu que son premier cri fut alors un : « Eleison ! » Il lui fallait 1. D’après Schindler, Beethoven refusait de parler des choses religieuses, « da Religion und Generalbass in sich abgeschlossene Dinge seien, über die man nicht weiter disputieren solle » (car la religion et la basse générale sont choses à part (fermées en soi), sur lesquelles on ne doit pas discuter).