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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/398

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BEETHOVEN

modulation inattendue fff. et l’entrée des trombones, pour la première fois dans la Messe, sous le mot : «.omnipotens »,

— comme un tonnerre. Mais les paroxysmes, chez Beethoven, provoquent une prompte détente des forces : et malgré le retour de quelques sursauts 1, pour le Domine Deus, l’évocation du « Fili unigenite » dispose l’âme à la douleur, qui va régner sur la partie centrale du Gloria. Ici nous remonte à la mémoire le récit, plus haut cité, de Schindler : — « Quand il en oint au « qui tollis », Beethoven se mit à pleurer. Les larmes lui roulaient sur les joues... ». Que l’on compare les deux : « Qui tollis » des deux Messes ! Dans les deux, Beethoven pleure. Mais dans celui de la Messe en ut, c’est encore le lamento d’Orphée, c’est, la funèbre déploration aux nobles lignes, d’un sobre dessin classique, qui se maintient dans une même tonalité de ja mineur. Dans la Missa Solemnis, c’est l’âme même de Beethoven qui s’exprime, toute nue, dans son flot perpétuellement changeant et frémissant. Elle 11e se satisfait plus de la plainte des voix. Il lui faut celle, plus intime et plus infiniment 1. Ces sursauts répétés ne sont pas sans troubler le pur flot mélodique du Gratins agimus et du Domine fili unigenite. On ne saurait les expliquer par les seules exigences du sentiment intérieur. Il faut y voir la main parfois brutale de l’architecte et sa volonté tenace d’unité, qui, pour assurer la liaison de l’ensemble, ramène opiniâtrement dans l’orchestre le dessin du Gloria, comme un leit-motiv de construction.

Beaucoup moins pressé et moins occupé de ces problèmes d’architecture dramatique, J.-S. Bach consacre un long duett au Domine fili unigenite, qui n’occupe, chez Beethoven, qu’une quinzaine de mesures recueillies, entre deux tumultes de gloire.