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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/403

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

à chaque nouvel assaut, le flot des voix et de l’orchestre se précipite et se colore de saisissantes modulations. Au ff., il s’interrompt, pour céder la place à un autre flot, plus rapide, poco più allegro : on dirait plusieurs torrents qui se rencontrent et qui opèrent leur jonction. Tandis que les chœurs répètent leur acte de foi : « Quoniam tu solus sanctus », les voix soli égrènent leur amen, d’abord tout simple, l’une après l’autre, puis prises de vertige ; leur course entraîne les masses chorales, et l’orchestre les éperonne, à son tour ; les timbales roulent ; bois et cordes sont emportés dans une charge d’armée, dont les bataillons se ruent ensemble, se dépassent, se rattrapent, perdent le souffle... On croit les entendre haleter. Enfin, la course tumultueuse s’arrête net, dirait-on, au bord de l’abîme ; et dans les espaces, sonnent les cors et les trombones, le Gloria rentre, en coup de vent (presto), fou d’extase ; les sonneries s’entrechoquent avec les voix, qui montent aux notes les plus aiguëes. C’est Hændel ivre. On pense aux archanges de la Sixtine, avec leurs yeux exorbités, leurs joues gonflées, qui embouchent les trompettes, — agrippés aux nuages au-dessus du gouffre. Et le tourbillon aussi annonce celui de la fin de la Neuvième Sym phonie. Dans l’orchestre se succèdent rapidement les jeux de lumière, les variations de tonalités : de telle sorte que la tonalité principale, quand elle éclate pour conclure, est un coup de foudre. Et la fureur de joie emporte les voix insatiables, au delà du seuil scellé par les accords de l’orchestre :