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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/45

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

quarantième année à sa mort ; car c’est, à peu de choses près, celle qu’ils respirent, ou qui les étouffe : celle de guerre et d’après-guerre.

On n’a pas assez fait la part des bouleversements produits dans la carrière de Beethoven par ces ouragans de la politique et par les ruines qu’ils ont laissées dans la vie sociale. Le grand artiste a beau être un Dédale, qui se fait des ailes pour s’évader[1] — (et nul n’a donné l’exemple de tels essors au-dessus du champ de ruines que celui qui écrivait, au sortir de Vienne bombardée, pendant l’été 1809, le radieux concerto de piano en mi bémol) — il est retenu au sol par le boulet au pied de sa servitude économique, et il retombe dans la fosse aux hommes, où il est parqué, parmi leurs âpres luttes pour s’arracher le morceau de pain, au fond de leur aigre misère.

À l’heure même où Beethoven voyait sa situation et son libre travail assurés, pour la vie, par une généreuse « Constitution musicale » (comme il la nommait), signée le 1er mars 1809 par les jeunes princes Kinsky, Rodolphe l’archiduc, et par Lobkowitz, qui lui attribuait une pension annuelle à vie de 4.000 florins, payable même au cas de maladie et d’arrêt de travail, — à l’heure où il s’entendait

  1. « L’art, ce persécuté, trouve partout un recours. Dédale, enfermé au labyrinthe, a bien su inventer les ailes qui l’ont emporté en haut, dans les airs. Et moi aussi, je les trouverai, ces ailes ! »

    « Die Kunst, die verfolgte, findet überall eine Freistatt, erfand doch Daedalus eingeschlossen im Labirinthe die Flügel die ihn oben hinaus in die Luft emporgehoben, u. auch ich werde sie finden, diese Flügel. » )

    (Lettre de Beethoven à Zmeskall, 8 février 1812.)