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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/46

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BEETHOVEN

pour la publication de ses œuvres avec le principal éditeur musical d’Allemagne, Breitkopf und Hærtel, et où il caressait de grands projets de voyages en Europe, sans parler de ses rêves de diriger le Hoftheater et de devenir Hofkapellmeister impérial, — un grand vent d’ouest, se leva, du fond de l’horizon, et il abattit sur l’Autriche la nuée d’orage de Napoléon. L’empereur d’Autriche, la cour, les princes, les archiducs, telles des bandes d’oiseaux, tout s’enfuit. Fuirent avec eux, pour ne plus revenir, tous les espoirs et tous les rêves.

Le 11 avril 1809, dans la nuit de l’Ascension, Beethoven fut réveillé par le fracas des canons, bombardant Vienne ; la tête emmaillotée pour préserver son ouïe malade, il dut s’enfouir au fond de sa cave ; autour de son logis, les maisons flambaient. La vieille Vienne des mécènes et des artistes oiseaux-chanteurs expirait. Elle n’a jamais revécu. Beethoven, emprisonné dans une ville occupée par 120.000 soldats français, passa de longs mois en pleine misère de corps et d’esprit[1]. Les vivres manquaient. Les ponts du Danube étaient brisés, les communications étaient coupées. Les conquérants s’abandonnèrent à des excès. Pillages, dévastations… On évalue à 140 millions de florins l’ensemble des dommages de guerre. Il fallut payer la contribution de 50 millions de francs, imposée par Napoléon. Emprunts forcés de toute nature, taxes proportionnelles

  1. Lettre du 26 juillet 1809, à Breitkopf.

    Dans ses promenades jusqu’à Wienerneustadt, il fut arrêté comme espion, car on l’avait surpris écrivant des notes (Joural de Fanny del Rio.)