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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/47

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

sur les locations, exigibles dans les quarante-huit heures. Beethoven avait un loyer de plus de 500 florins, et il ne savait comment s’acquitter. Il ne gagnait plus. Il n’avait plus la force de penser. Quand il le put, une fois les portes de la ville-prison rouvertes et l’occupant éloigné, quand il se remit à écrire, « il semblait que ce fût plus pour la mort que pour l’immortalité »[1]. Tous ses plans d’avenir étaient détruits. Sa pension ne lui fut plus versée qu’en partie, et en billets de banque dévalués. Vers la fin de l’année, il tomba malade. Il se rétablit, il retomba… — « Nous n’avons plus de pain mangeable… « … « Je suis trop faible pour vous répondre davantage… »[2].

Il n’y eut pourtant point, comme on eût pu croire, chute ou décrue immédiate de sa production, depuis l’année fatale : nous le verrons, dans le chapitre suivant. Un puissant esprit vit sur ses réserves, encore assez longtemps après qu’il a été frappé au cœur de son avenir. Ce n’est qu’au bout de quelques années qu’il prendra conscience — qui oserait dire : de son épuisement, alors qu’il apparaît aux yeux des hommes le forgeron géant de la Septième Symphonie, le Beethoven effréné de Teplitz, qui fascina Bettine et Gœthe !… Non, ce n’est pas la puissance virile et le génie qui accusent, en quoi que ce soit, la blessure. Mais sa foi est atteinte, ses espoirs, ses raisons de vivre[3].

1. Lettre du 2 novembre 1809, à Breitkopî.

2. Lettres du 2 janvier 1810, et suiv.

3. Parmi lesquelles, les raisons du cœur. Les peines sentimentales ont ravagé ces années. Ln chapitre, à la fin de ce volume, en esquissera le tableau.

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