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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/467

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Pense-t-on que, si Beethoven l’eût reçue, il ne l’eût pas fait entendre ? Un maître aussi réfléchi, qui n’écrit rien au hasard, n’eût pas manqué de donner à sa Messe une conclusion plus ferme, si lui-même, qui y aspirait de tout son être, ne se fût tenu, d’honneur, contraint par sa rigoureuse sincérité, à avouer l’incertitude où son recours à Dieu — cet effort gigantesque de cinq ans — l’avait mené... Nous comprenons que, pour des chrétiens dévots, ce dénouement d’une Messe n’offre point satisfaction. Et dirons-nous qu’il en offrît davantage à Beethoven, cet homme avide de certitude, excessif même dans son besoin passionné d’affirmations bruyantes, appuyées et répétées, comme celles dont il martèle les codas de tant de ses symphonies ?

Je suis certain qu’il a bataillé contre la fin de

celle-ci, qu’il ne la voulait point, avant d’y être pris. Qui oserait lui faire la leçon et se targuer de lui apprendre que le sacrifice de la Messe exige une conclusion de foi sans heurts et de pieux abandon au Seigneur ? Qui l’a mieux su que le compositeur de la Messe en ut majeur, dont le tendre « Dona pacem » s’achève avec humilité et gratitude, dans les bras du Kyrie ? La preuve même de son insatisfaction est dans ce fait que, sur ses esquisses pour le Dona nobis, immédiatement après l’annotation : « darstellend (représentant, si imparfaitement !) den innern u. âussern Frieden », Beethoven écrit son dessein d’une « Troisième Messe » 1. Veut-il, une fois encore, refaire le chemin de croix, avec l’espoir de conquérir, à la fin, la vraie paix et la lumière ?

1. Cf. Nottebohm, If, 152.