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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/469

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

acte de gratitude et d’amour. Les trois années d’été à Modling, 1818-1819-1820, ont été des temps bénis pour la création. Avec quel détachement des bruits et des misères de la terre 1, avec quelle ferveur, pure et ferme, il écrivit, d’un jet, le Kyrie ! Quelle exultation Michel-angesque de joie et de force, dans le Gloria ! Puis, ç’avait été, en la belle saison de 1819-1820, zénith de sa puissance et de sa victoire 1 2,

— ce Capitole si proche de la roche Tarpéienne — la gigantomachie du Credo, cette bataille de Heldenleben, dont Schindler fut le témoin effrayé, qui se demandait : « L’homme est-il devenu fou ? 3 » 11 s’agissait, pour le forcené qui voulait croire, de conquérir la vie éternelle... — Il l’a conquise, dans sa musique. Mais la bataille a laissé en lui un ébranlement. ..

Qu’il était fort, qu’il était riche, en ce printemps et cet été 1820 ! Schindler dit qu’il y avait « amassé les idées, à la 1. U composait le Kyrie, quand Schindler le vit rentrer, « tard dans la nuit, ses vêtements trempés, sans chapeau, les cheveux collés par la pluie. Il n’avait pas pris garde qu’il s’était promené pendant des heures, sous une tempête... » (été 1818).

2. En juillet 1820, Beethoven gagna enfin le procès, qui le rongeait depuis des années, contre la mère de son neveu Karl. L’enfant lui appartenait donc tout entier 1 Sa joie débordait. Schindler dit qu’il exultait, tout l’été. Il lui semblait avoir vaincu le monde conjuré contre lui.

3. « ... Le visage en sueur, il frappait les temps, mesure par mesure, avec les mains et avec les pieds, avant d’écrire les notes !... Les locataires voisins se plaignaient qu’il leur enlevât tout repos, jour et nuit, avec ses trépignements et ses coups. Le propriétaire lui donna congé. Tous, partout, le regardaient comme un fou ; et véritablement, il semblait alors tout à fait possédé... » (été 1819).