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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/51

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

et sa reconnaissance s’exprimait, sur l’album de la baronne Eskeles, comtesse Wimpfen, par le lied : « Der edle Mensch sey hülfreich und gut ! » — Il acquérait — (qui l’eût dit ?) — une mentalité d’actionnaire. Il s’accrochait à ses actions. Il cachait leur existence à ses créanciers, comme l’éditeur Steincr, de peur d’être forcé d’hypothéquer ou de vendre une action. Schindler, qui était dans le secret, n’admettait pas de tels procédés, qu’il taxait sévèrement de « merkantilische Spekulation ». Mais, pour Beethoven, vendre une action eut signifié une catastrophe. Il écrivait, en 1820. à son éditeur Artaria :

— « Je vous prie de me prêter encore 150 florins argent, car je suis en danger de perdre une de mes actions. »

Et il ajoutait — (ce qui montre bien que, dans cet attachement à son papier, il y avait manie d’esprit inquiet bien plus qu’avarice) :

— « Pour vous témoigner ma reconnaissance, je m’engage à vous abandonner en toute propriété une œuvre de moi, comprenant un, deux ou plusieurs morceaux, sans réclamer dessus aucun honoraire. »

Il attribuait ce capital de banque à son neveu, et il s’interdisait d’y toucher. Il persistait à ressasser son idée fixe qu’il était un pauvre diable[1] :

  1. À cette inquiétude perpétuelle, la maladie avait une large part : il ne faut pas l’oublier. Elle l’acculait parfois (1816-1817) au désespoir. En août 1817, il se croyait perdu, il ne pensait pas être vivant, l’année suivante.

    On retrouve les mêmes transes et les mêmes lamentations chez des génies qui lui sont apparentés, tel Michel-Ange, criant toujours misère, en thésaurisant.