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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/53

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

18 février 1820, qui est au Musée historique de Cologne, il dit fièrement : — « Il y a peu d’oncles et de tuteurs dans la monarchie, qui pourvoient aussi richement au sort de leurs parents, et avec un aussi total désintéressement. On n’a pas non plus négligé l’avenir. 4.000 florins argent sont déposés par moi, comme part d’héritage de mon neveu, à la Nationalbank d’Autriche. »

Si donc sa maison est mal tenue, s’il se dispute avec ses domestiques comme un chiffonnier, s’il continue de se lamenter dans sa correspondance (surtout avec Ries, qui est à Londres), pour se faire avancer de l’argent par les riches mécènes d’Angleterre, il n’y a pas lieu de s’attendrir sur son dénuement. Il avait tous les moyens de vivre en bon bourgeois, bien renté.

Mais qu’on ne commette pas l’erreur contraire de lui tenir rigueur de cet état d’esprit, en rapprochant son sort de celui de Mozart, qui connut une détresse financière bien autrement réelle ! Les circonstances sont tout autres ; et les deux hommes appartiennent à deux âges de la société différents : Mozart, à l’ère du mécénat et de la mentalité d’artiste mendiant qui en est le fruit : un total manque de sens pratique, un mélange d’incroyable insouciance et de quémandage sans vergogne : quand il a de l’argent, il le mange ; quand il n’en a plus, il mendie : (j’ai, sous la main, l’original d’une de ces lamentables lettres de « tapeur », avec l’annotation, par le « tapé », de l’aumône versée)… Beethoven ne mange pas de ce pain-là ! Il est le premier de l’époque nouvelle, où l’artiste n’a plus à compter que sur soi et doit gagner lui-même l’argent de sa vie. Beethoven