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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/54

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BEETHOVEN

Va durement gagné[1]. On conçoit qu’il y tienne durement. C’est la règle. — Mais attention ! Pas d’injustice ! Ce n’est pas l’argent que Beethoven veut et aime dans l’argent. C’est l’indépendance, que seul l’argent procure, et dont il est affamé. Il ne se lasse point de le répéter :

— « Dass er nur mit einem kleinen Vermögen ein unabhängiges Leben führen könne. »

(« Qu’il puisse seulement, avec un petit, avoir, mener une vie indépendante. »)

Et il enrage contre les éditeurs qui le chicanent sur les honoraires, qu’il est en droit d’attendre. Ainsi, dans sa lettre furieuse à Breitkopf, en 1810 :

— « Diantre soit de « l’économique musicale » ! Je n’ai pas pour but, comme vous croyez, de devenir un usurier de l’art musical, qui écrit seulement pour devenir riche. — Non, certes, non ! — Mais j’aime une vie indépendante ; et cela, je ne le puis autrement que par un petit avoir… »

Croit-on qu’il n’aimerait pas mieux envoyer au diable ces affaires d’argent, et qu’il n’eût à s’occuper que de sa musique ! Comme Wagner, il exprimait le regret que l’artiste, ne pût livrer ses œuvres à un magasin, qui, en échange, fournirait l’artiste de tout ce dont il aurait besoin. (Lettre à Hoffmeister.) — Mais il n’est pas un niais romantique, pour se payer de cette espérance et de ces regrets. Il sait qu’il n’a à compter que sur soi. — « Ô homme, aide-toi

  1. Même ses pensions, au sujet desquelles il bataille contre les princes, ne sont pas, à ses yeux, un présent qui lui est fait, mais une dette que les princes ont contractée. Et aux débiteurs qui se dérobent, il n’épargne pas les épithètes outrageantes.