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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/55

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

toi-même ! » — Et il cherche à réaliser le juste équilibre de l’art avec l’économie, « richtige Verbindung der Kunst mit der Ökonomie… » — N’a-t-il pas raison ?

On peut lui reprocher d’avoir parfois trop gaillardement accepté les conditions du duel entre l’auteur et les éditeurs, et, plutôt que de se laisser « rouler » par eux, d’avoir tenté de les « rouler ». Il est si fier de ses roueries pour leur soutirer plus d’argent, qu’il les note naïvement dans son journal intime, afin de ne pas oublier :

— « Pour toutes tes œuvres, comme à présent pour ta sonate de violoncelle (op. 102), arrange-toi pour fixer à ton éditeur le jour de l’édition, sans que les (autres) éditeurs à Londres et en Allemagne, bref, sans qu’aucun des autres en ait connaissance : car autrement, ils te paieraient moins[1]. Et d’ailleurs, cela n’est pas nécessaire (de le leur dire). Tu peux alléguer pour prétexte qu’on avait chez toi fixé autrement (la date de la publication)[2]… »

Mais ce qui est sûr, c’est que jamais le gain ne l’a amené à aliéner sa liberté. Quand un de ses meilleurs payeurs, l’éditeur anglais Thomson, lui propose d’écrire une « Bataille sur la mer Baltique », il déclare qu’il ne consentira jamais, si le texte contient le moindre mot injurieux contre les Danois : car il se refuse à célébrer 1 oppression d’une petite nation libre.

  1. Beethoven vendait la même œuvre, simultanément, à plusieurs éditeurs : l’un en Autriche, l’autre à l’étranger. Mais chacun voulait ou croyait être le premier.
  2. Manuscrit Fischhoff, 1816. (Cf. Albert Leitzmann, t. II p. 256 no 89.)
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