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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/551

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

l’esprit plane, comme d’une terrasse, sans effort, avec sûreté. Et elle se déroule en valeurs fermes et égales, en croches pointées, liées ensemble 1, d’un pas tranquille, sans élever la voix... « Adagio molto semplice e cantabile... » Cette extrême simplicité, qui dérouta les amis de Beethoven, répondait à un vieux besoin chez lui, — l’aspiration à T « immer simpler », qui s’exprime déjà, vingt ans avant, en 1804, au temps de la grande sonate récitative op. 31, n° 2. Il y atteint maintenant, dans la plénitude de sa pensée, sage et profonde, qui se concentre sur l’essentiel. Certes, cette Arietta, dont le titre diminue à plaisir l’importance, est une des paroles les plus hautes qui soient sorties de la bouche de Beethoven. Il y est vraiment maître de la vie, dans un calme souverain. Nulle autre part, même dans le thème de la Joie, il n’y réalise cette sérénité, dont la puissance se dissimule sous un sourire presque immobile de Bouddha. A peine un pli semble froncer la surface de l’étang. Et cependant, le souffle de la poitrine est régulier et lent et plein. Cette quasi-immobdité règne surtout dans la première partie de Yadagio. Dans la seconde, elle s’anime, un moment, de l’ombre du la mineur dans la lumière égale de Y ut ma jeur ; mais c’est pour rentrer presque aussitôt dans la calme certitude de la lumière.

Ce blanc sur blanc, ce lac immobile, semble devoir exclure tout développement. Le silence de Bouddha qui sourit, a tout dit : qu’y ajouteront ses prolixes sermons ? Ils ne 1. C’est le sens que Schenker attribue à l’indication : « Cantabile :

— legatissimo ». — Et il a raison.