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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/59

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

et il y a tout lieu de croire qu’il n’eût pas échappé à la prison, sans la protection de son élève, l’archiduc Rodolphe.

Voici donc une personnalité affranchie, dont l’indépendance politique paraît indomptable, vis-à-vis de toutes les puissances, du sang et de l’argent. Dans des batailles sociales nous l’eussions vu sans doute, comme Wagner en 1848, prendre contre elles position sur les barricades. — Mais dans la vie courante, où mènent ces révoltes ? À quelles abdications ! — Il doit flatter les puissances d’argent. Et de quelle monnaie d’adulation lui faut-il solder, ce fier républicain, la protection de son archiduc ? Ce n’était assurément pas un mauvais garçon, l’élève Rodolphe — (10 de conduite et d’application !) — figure placide, écriture bien sage — qui écoutait, docile, les leçons du maître peu commode, et qui, en 1818, aligna laborieusement quarante plates variations sur un thème de Beethoven. Mais on rougit de voir Beethoven se prosterner devant ce gamin — (et qu’avait-il donc à semoncer Gœthe ?) — en flagornant son « hautement honoré sublime élève et favori des Muses », pour ses « Variations pleines de maîtrise ». Il n’a plus de mots, pour se confondre de la grâce dont cet apprenti l’honore, en lui dédiant son devoir de collège… « Car je me tiens (à un rang) trop bas, pour pouvoir répondre par un don, d’égal à égal, même si je le voulais ou que je le souhaitasse ardemment[1]. »… Nulle joie peut-elle égaler celle qu’il a de contribuer à ce que « Son Altesse Impériale prenne

  1. « … Da ich zu tief siehe, auch wenn ich wollte oder es noch so heiss wünschte, gleiches mit gleiches vergelten… »