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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/60

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BEETHOVEN

possession de la place qui lui est déjà réservée sur le Parnasse ! [1] »… Pour l’édition projetée de ce « chef-d’œuvre des Variations », Beethoven propose un titre beaucoup plus cérémonieux que celui qu’accepte l’archiduc[2]. Et dans ses lettres à son prince, il n’est jamais las de baise-mains et de génuflexions[3]. Il ne respire pas, il « expire » d’adoration, à ses pieds[4]. Son attachement « l’enchaîne à lui, d’âme et de corps ». Il n’est pas, au monde, de plus aimable objet qui « lui tienne, par dessus tout au cœur »[5]. Il est Blondel, et il lui chante : — « Ô Richard, ô mon roi ![6] ».

Y a-t-il lieu de s’étonner que ce Blondel qui se languissait de son Richard et s’abîmait en prosternations, se revenchât en déblatérant contre son maître, derrière son dos,

  1. Lettre du 1er janvier 1819.
  2. « Par le Sérénissime Compositeur », écrit Beethoven (31 août 1819). Avec bon sens, l’archiduc fait inscrire : « Sujet donné par L. v. Beethoven, varié pour le piano 40 fois et dédié à son auteur par son élève. »
  3. Sa signature en quatre lignes se proclame :
    « Ihrer Kaiserlich. Hoheit
    Gehorsamster
    Treuster
    Diener.
    L. v. B. »
  4. « Ersterbe ich Ehrfurchtsvoll… » (27 février 1822).
  5. Cf. lettres de toute l’année 1819 à l’archiduc (et notamment, du 1er janvier, du 31 août, du 19 décembre). Il ne se dit pas seulement « enchaîné » (gefesselt), mais « possédé » (beseelt) par lui. Il ne reconnaît au-dessus de lui que Dieu.
  6. « … Je pourrais bien dire : Blondel est depuis longtemps trouvé ; et si dans le monde, il ne se trouve pas pour moi de Richard, alors Dieu sera mon Richard. » (3 avril 1820).