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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/616

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BEETHOVEN

— « Tant de choses menacent, dit encore Blôchlinger, c est un temps critique : ce qui en sortira, nous devons patiemment U attendre et faire notre devoir dans nos cercles » 1. On sait voir. Et on voit loin. Dès avant 1820, ces petits bourgeois de Vienne ont reconnu le roi nouveau de l’Europe et du monde : l’Argent.

A propos de la venue à Vienne, en novembre 1819, du banquier Rothschild de Francfort, et de sa première visite au prince Metternich 1 2, s’échangent entre Beethoven et ses amis ces paroles mémorables :

— « Ces grands banquiers ont dans leurs mains tous les ministres d’Europe ; ils peuvent précipiter dans Vembarras les gouvernements, aussi souvent quil leur plaît. On ne peut conclure sans eux aucune affaire politique. On les a vus s’entendre, à Aix-la-Chapelle, et éplucher l’argent de tous les comptes et créances des différentes cours. La politique Européenne a pris un tel chemin que, sans argent et sans banquiers, on ne peut plus rien faire. Tous (les gouvernements) ensemble, ils n’ont pas une idée. Elles (les idées) ont totalement disparu de l’Europe, avec la prise de Paris... » 3. Voilà le mot lâché ! Ces libres Autrichiens font dater le déclin de l’Europe de la défaite de la France par leurs armées impériales et royales. Ils regrettent ce Napoléon, qu’ils ont naguère abhorré :

1. P. 399, mars 1820.

2. Le nom de Rothschild revient plus d’une fois, dans les entretiens. La prodigieuse ascension de sa maison — de ses quatre maisons en Europe — fixe les regards des compagnons (p. 264, janvier 1820). 3. P. 198-199, novembre-décembre 1819.