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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/63

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Au lieu d’aller à eux, comme l’annonçait sa lettre à la petite Emilie, il professe le mépris pour ce qu’il nomme « la plèbe ». Il écrit, en 1820 :

— « Je n’appartiens pas, de ma nature, à cette plèbe. »

(Ich gehöre nicht gemäss meiner Beschaffenheit unter diese Plebs. »)

Quels cris de fureur, quand, le 11 décembre 1818, l’Obergericht, qui jugeait de ses affaires de tutelle, le renvoie à une juridiction inférieure, sur le motif que les van Beethoven ne sont pas « nobles » (nicht adlig) ! Il est foudroyé, il en perd presque la raison. Le 1er janvier 1819, écrivant à l’archiduc, pour s’excuser d’avoir manqué à la visite qu’il lui devait, il dit qu’« un effroyable événement vient de se produire, dans ses affaires privées », et que « pendant quelque temps, il en a perdu toute connaissance (Besinnung) ». Sa santé, qui s’était beaucoup améliorée, en est brisée. Plus de six mois après, il écrit encore à l’archiduc qu’il peut « à peine maintenant consacrer quelques heures par four à son art, tant ces bouleversements ont eu un effet préjudiciable sur sa santé ! » (31 août 1819)[1] — Cet effondrement et ces fureurs, pour un refus de reconnaissance nobiliaire, dont il jaugeait pourtant la vanité, est-ce bien digne, est-ce bien « noble », au fier sens que revendiquaient les fameux mots qui lui ont été attribués, alors que, montrant à l’Obergericht sa tête et son cœur, il se serait écrié : — « Ma noblesse, elle est

  1. Et Schindler ajoute que, s’il n’en avait pas été empêché par ses devoirs de tutelle, il eût immédiatement quitté l’Autriche ; il fût parti pour l’Angleterre, et y aurait établi son domicile.