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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/64

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BEETHOVEN

ici et là ! » (Sein Adel sei hier und da.) — Mais je crains fort que ces belles paroles ne soient légendaires, imaginées peut-être par Schindler, ou qu’elles n’aient, été prononcées après coup, longtemps après, par Beethoven, comme une consolation — qui ne le consolait guère…

C’est qu’en fait, — il faut bien le dire — son idéal, non théorique, non poétique, mais pratique, était celui d’un bourgeois orgueilleux de la Restauration, Louis-Philippard avant la lettre, qui ne veut avoir rien de commun avec la canaille, et qui revendique, au moins, l’égalité avec la noblesse. (Je dis : « au moins » ; car, au fond du cœur, il se croit au-dessus, lui et sa classe.) Il dit à Fanny del Rio : — « Avec la noblesse il est bon d’avoir commerce, mais on doit être en état de lui en imposer… »

Nulle part, cet orgueil d’aristocratie bourgeoise ne se lit plus clairement que dans la longue lettre du 1er février 1819 « an den Wiener Magistrat », où il expose ses idées pédagogiques, au sujet de l’éducation distinguée qu’il veut donner à son neveu[1], — cette instruction fondamentale que doit recevoir, selon lui, « tout homme qui n’est pas un ouvrier » (jeder Mensch, der hein Handwerker wird)… Ah ! certes, il n’eût pas été partisan de l’école unique !… Programme d’études : le français, le dessin, la musique, plus tard le grec, la religion[2], — bref, tout ce qui peut former, au jugement

  1. Et il a bien soin, dans cette lettre, d’écraser de cette « distinction » l’aristocratie désargentée de Vienne, qui est incapable de donner à ses fils une telle éducation.
  2. « … Seine Pflichten als Christ, als Mensch… denn nur auf diesem Grunde können ächte Menschen gezogen werden. »