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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/65

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

de Beethoven, « un citoyen utile et bien élevé » (einen nützlichen und gesitteten Staatsbürger) : le type du parfait petit Monsieur Grandisson[1] ! — Passe encore pour le pupille ! Mais le tuteur !… L’image qu’en reflète cette lettre programme n’a rien de réjouissant. Beethoven était hautement « moral ». Nous le savons. Mais Beethoven le savait trop. Il se drapait dans sa moralité. Il faisait de son « Moralischen Carakter » un insupportable étalage…

— « Je déclare que je me sens désigné plus que quiconque pour allumer dans mon neveu, par mon propre exemple, l’amour et la pratique de la vertu… » [2]

— « Mon Caractère Moral (avec des majuscules) n’est pas seulement reconnu, d’une façon générale et publique ; mais même des écrivains excellents comme Weissenbach, etc., le jugent digne d’être pris par eux comme sujet de dissertation[3]. »

  1. Quand le petit, plus tard, voulut se dérober à cet alléchant modèle, quel crève-cœur pour Beethoven, de devoir y renoncer ! Il se résigne à tout, même au pire — à ce que son neveu embrasse le métier de commerçant, s’il le faut, quelques répugnances qu’il en ait : « So bin ich bereit, auch mich dem zu fügen, dass er den Kaufmannsstand ergreift, wo nun freilich für immer bei mir Abneigung war… » (lettre au Hofrat v. Peters, 1820). — Mais ce déshonneur lui fut épargné par Karl, lui aussi bien trop bourgeois, au sens de l’oncle, pour ne pas préférer une profession « libérale ».
  2. « Ich gestehe, ich fühle mich mehr als irgend jemand dazu beruffen. meinen Neffen schon durch mein eigenes Beyspiel zur Tugend und Thätigkeit anzufeuern. »
  3. « … indem mein Moralischer Carakter nicht allein allgemein und öffentlich anerkannt, sondern selbst vorzügliche Schriftsteller wie Weissenbach u. a. es der Miilie werth hielten, darüber zu schreiben… »