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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/71

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

s’évader de soi, de son propre sang, de sa fatalité, et de ce marais de la vulgarité, où il suffoque :

— « Pour te sauver, il n est aucun moyen que de (fuir) d’ici. Seulement ainsi, tu peux parvenir aux hauteurs de ton art, ici tu t’enfonces dans la vulgarité. (Écris) seulement une symphonie, et puis, au loin, au loin, au loin ![1] »

Mais la fuite au dehors, la fuite en Italie, en Sicile, aux pays du soleil, dont il a rêvé, pendant un temps, — même la fuite à Londres, aux pays sans soleil, que réchauffent l’affection et l’estime d’une société d’amis intelligents qui croient en lui, — tout cela lui est refusé, d’année en année, et devient impossible. Il ne reste plus que la fuite en soi, dans son art :

— « Sacrifie encore une fois à ton art toutes les petitesses de la vie de société ! » (Opfere noch einmal aile Kleinigkeiten des gesellschaftlichen Lebens deiner Kunst !)[2]

Et il copie ces vers de Zacharias Werner, qui semblent modelés sur sa musique :

« Was kann ich tun ? — Mehr als dein Schicksal sein.

Den Hasser lieben, und das hohe Gut

Der Selbstvollendung im Erschaffen suchen ! »

(Que puis-je faire ? — Être plus (fort) que ton destin, aimer qui te hait, et chercher dans la création le haut bonheur de l’accomplissement de soi !)

Mais Zacharias Werner ajoute orgueilleusement :

— « Du bist das Ebenbild des Ewigen. »

  1. Manuscrit Fischhoff, 1817.
  2. Ibid., 1818.
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