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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/74

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BEETHOVEN

cheminer, à la suite de son Double, de son « Duca e maestro », de son invisible maître et compagnon. Avec lui continuera de se dérouler, dans ses dernières sonates et ses derniers quatuors, un incessant Dialogue. À aucune heure, ne lui feront défaut le besoin de l’éternité et cette illumination qui se résume, trop sèchement, dans la citation fameuse de Kant, écrite de la main de Beethoven, au milieu d’un Cahier de conversations de 1820 :

— « Das moralische Gesetz in uns undder gestirnte Himmel über uns ! »

Loi morale et ciel étoilé… Intuition double, qui lui vient de sa communion passionnée avec la nature, et de la profonde exigence de son instinct moral, de la loi inscrite en sa propre nature. Toutes deux, inexplicables, inexpliqués. Toutes deux, la source jumelée où s’alimente son génie créateur. C’est une conjonction exceptionnelle des puissances élémentaires de la nature et des impérieuses énergies morales. On la trouve aussi, mais combien plus trouble et plus mêlée de littérature, chez le génial Jean-Jacques, le plébéien perverti. Notre « paysan du Danube » le domine, par la puissante intégrité de sa nature où s’expriment, immédiates et pleines, les forces élémentaires. Sans être philosophe, il percevait son identité avec elles… « Wir endliche mit dem unendlichen Geist[1] », écrivait-il, donnant à entendre qu’il

  1. Cette phrase est le début de la parole fameuse : « Durch Leiden Freude. » Elle est extraite d’une lettre du 19 octobre 1815 à la comtesse Erdödy :

    — « Wir endliche mit dem unendlichen Geist sind nur zu Leiden und