Cet équilibre de l’art ne put se maintenir. Les années 1810-1812 sont balayées par un vent de passion et d’orgueil. C’est le Beethoven de Teplitz, l’homme du masque. Non pas une seule passion, mais trois ou quatre le ravagent : les deux Thérèse (Brunsvik et Malfatti), peut-être Bettine, Amalie Sebald, et l’inconnue qu’il n’a jamais voulu nommer[1]. Toutes s’achèvent en défaites et en déceptions. De l’accablement il ne se relève que par furieux ressauts d’orgueil et par une étreinte dionysiaque de la Nature, qu’il a aimée avec extase, avec ivresse religieuse et charnelle, plus qu’il n’aime aucun être vivant. Le fruit d’un tel accouplement est la colossale Septième Symphonie — la Forêt[2]. À la différence de la période précédente, les grandes œuvres de 1811-1812 émergent d’une plaine aride, clairsemée de maigres buissons, comme la musique des Ruines d’Athènes et du Roi Étienne[3].
- ↑ Celle qu’en septembre 1816 il dit à Giamiatasio « avoir appris à connaître depuis cinq ans » — donc en 1811 — et « avec qui l’union eût été le plus haut bonheur de sa vie », — celle dont Rahel, rencontrée à Teplitz, en juillet 1811, lui rappelle « les chers traits ». (Voir le chapitre en appendice à ce volume).
- ↑ Et à sa suite, la Huitième Symphonie. — Dès la fin mai 1812, avant Teplitz, Beethoven écrit à Breitkopf qu’il « écrit trois nouvelles symphonies, dont une est presque achevée ». Et cette « troisième symphonie en ré mineur », qu’il annonçait, devait être la Neuvième, qu’il ne réalisa que dix ans après. — Ajoutons encore la dernière Sonate pour violon, op. 96, dont les esquisses se mêlent à celles de la 7me et de la 8me symphonies.
- ↑ D’autant plus admirable est la production des grandes œuvres de 1812 qu’elles sortent d’un sol ravagé. Dans la même lettre de mai 1812, à Breitkopf (no 300 de l’éd. Kalischcr), où il annonce « 3 neue