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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/83

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Premiers indices d’un appauvrissement du sol, qui se manifeste dans les années qui suivent, 1812-1815. Et ce sont justement celles du plus grand éclat, de la gloire officielle, celles où Reethoven se laisse, en quelque sorte, sacrer poète lauréat du Congrès de Vienne. C’est justement pour cela. Car s’y prêter, c’est, trahir sa vraie nature. Sa vraie nature ne pardonne pas. En vain tentera-t-il de se faire illusion. Après les bruyantes ovations qui saluent sa plate Rapsodie, la Symphonie de la Bataille, il tâchera de se persuader qu’« on écrit certainement plus beau (schoner), dès qu’on écrit pour le public, c’est certain, de même que si l’on écrit vite » (1813). Et il se peut que de telles conditions ne nuisent point — qu’elles conviennent même à d’autres génies plus « en dehors », on pourrait dire « multitudinaires », comme Hændel, qui est un peuple en marche et au combat, un Israël. Mais elles sont, à coup sûr, défavorables au génie propre de Beethoven ; et il le sait bien ! Il sait que, pour « écrire schöner », il lui faut d’abord le temps, beaucoup de temps, un labeur acharné, et le silence, la concentration passionnée ; il n’écrit « schöner » que pour lui-même et pour son Dieu. Il le sait bien, et il se ment. Le pauvre homme veut, à cette heure, se persuader qu’il est fait pour la fortune, et qu’il y a droit, qu’il a droit aux acclamations des


    Sinfonien », il parle du « chaos », du « cloaque » où « nous vivons, pauvres Allemands »,… « tout semble perdu, pourvu seulement que je ne me perde pas moi-même tout entier… »

    (« … in dem Chaos, worin wir armen Deutschen leben… »

    « … in der Kloacke, wo ich mich hier befinde, ist das ailes so gut wie verloren — wenn ich mich nur nicht selbst ganz verliere… »)