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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/84

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BEETHOVEN

masses et à la faveur des princes, de même qu’il réclame ses droits à l’amour et au mariage. Ce sont les années où l’homme anxieux, malade, commence à redescendre la pente de la vie ; il voit venir, avec la cinquantaine, la solitude et la vieillesse ; et désespérément il veut se garantir contre elles, en s’assurant le chaud abri d’une famille et la victoire. Ces années sont les plus vides en création : car la vie intérieure en est absente.

Non qu’elle manque, en ces années, ou qu’elle se taise : jamais le flot de ses passions, de sa douleur, de ses combats, n’a brui plus fort — (nous entendrons son grondement). Mais la vie intérieure et l’œuvre d’art suivent, trop souvent, deux voies séparées. — Ce ne serait pas nécessairement une raison, pour que l’œuvre fût sacrifiée. Il est certains artistes, chez qui l’art est une vie à part, et même elle est la vraie vie : l’autre est sans importance. Mais quand l’artiste est un grand homme, le meilleur de l’art est l’homme, et l’art se nourrit de l’homme : s’il ne le fait, il n’est qu’un pauvre acteur qui joue un rôle, sans y croire. — Ce sont de pauvres rôles que les cantates et symphonies officielles, écrites par Beethoven, en 1813, 1814, 1815[1]. Le cœur ne parle qu’à des heures rares — d’autant plus précieuses — de recueillement, comme celles de l’Elegischer Gesang, op. 118 (été 1814) et de Meeresstille, op. 112 (1815), celle aussi de la sonate Lichnowsky, op. 90 (août 1814).

La vraie musique intérieure se retire et se voile, dans le

  1. Schlachtsymphonie, — Der glorreiche Augenblick, — Es ist vollbracht ! etc…