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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/85

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

secret de l’âme. Des cahiers de notes nous en ont conservé quelques monologues passionnés. Par une chance unique, nous possédons, précisément pour cette période la plus tourmentée de la vie de Beethoven, pour la grande crise de 1812 à 1818, le manuscrit Fischhoff[1]. Il nous aidera à combler le vide d’un temps, où la création, telle une rivière, d’année en année, comme tarie, s’infiltre et semble s’engloutir dans la terre. Et le dernier terme de cette mort vivante, son expression ultime, sera le lied : Résignation (1817) :

— « Lisch aus, mein Licht !… » (Éteins-toi, ma lumière !…)

« Résignation »… On pourrait croire que ce simple lied d’acceptation épuisée est l’aboutissement de cinq années de mortels efforts, pour atteindre à l’« Ergebenheit »…

Or, c’est par ce même mot, par ce même cri que s’ouvre, en 1812, le manuscrit Fischhoff :

« Ergebenlieit, innigste Ergebenlieit in dein Schicksal… » (Résignation, résignation la plus profonde à ton destin…)

Mais il ajoute, alors :

— « Ô dur combat !… »

Nous conterons, au cours de ce livre, les péripéties de ce combat :

— « Tu ne peux plus être homme, tu ne peux plus l’être pour toi, seulement pour les autres. Pour toi, il n’est plus de bonheur qu’en toi-même, en ton art. Ô Dieu ! donne-moi

  1. Ce manuscrit est une copie, hâtive et incorrecte, qu’un inconnu a prise des carnets de Beethoven, entre 1812 et 1818. L’original est à la Bibliothèque de Berlin.