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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/86

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BEETHOVEN

la force de me vaincre ! Rien ne peut plus m’enchaîner à la vie[1]… »

Il est évident qu’il s’est produit dans sa vie, en ces années 1812-18131[2], une catastrophe sentimentale, — la plus pénible de celles que l’amour lui a réservées, — et qu’il en est sorti brisé.

D’où, l’état désolant où le trouve sa gardienne tutélaire, Mme Streicher, pendant l’été de 1813, et que confirment les témoignages de Blasius Höfel. Il se néglige. Il s’abandonne. Il n’a plus goût à rien. Sa santé, sans ressort, périclite ; une très grave note de 1814 laisse entendre, après consultation médicale, que sa vie est condamnée ; il semble même ouvrir sa porte à la pensée du suicide…

C’est pourtant l’année de la bruyante popularité, « das merkwürdigste Jahr », comme dit Schindler, les yeux écarquillés, — celle où, après le succès de la Symphonie patriotarde, il est ovationné par la population de Vienne, par les petites vendeuses dans les rues, par les étudiants en droit et en médecine, par le Regiment Deutschmeister (février-mars 1814), par les monarques (septembre et novembre 1814), — où il est reçu à la Burg impériale, et, pour la dernière fois, il joue en public devant une assemblée d’empereurs et de rois (25 janvier 1815), — où la Municipalité de Vienne

  1. « Du darffst nicht Mensch sein, für dich nicht, nur für andre : für dich gibts kein Glück mehr als in dir selbst, in deiner Kunst. O Gott ! gib mir Kraft mich zu besiegen ! Mich darf zu nichts an das Leben fesseln. »
  2. Et plus précisément, peut-être, autour de la date du 13 mai. (Cf. Mss. Fischhoff, no 10 de la publication par A. Leitzmann, — et le chapitre en appendice à ce volume).