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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/87

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

lui décerne le droit de bourgeoisie, dans un diplôme d’honneur (16 novembre 1815)… On pourrait croire qu’il est galvanisé par l’éclat d’une telle gloire. Extérieurement, il le paraît.

Il n’en est rien. Lisez le journal :

— « Envers tous les hommes, ne jamais laisser remarquer au dehors le mépris qu’ils méritent… »

« Même à l’ami le plus sûr épargne ton secret !… »

« Apprends à te taire ! »

Une suite de citations héroïques et amères, où s’affirme l’individualisme solitaire :

— « L’homme, l’homme isolé, peut souvent plus qu’en société avec mille autres… »

« Tu es un héros, — tu es, ce qui est dix fois plus, un homme vrai. »

(Du List ein Held — du bist, was zehnmal mehr istein echter Mensch…)

Toujours plus seul !… On ne l’est jamais assez…

— « Partir d’ici… » — Se retirer à la campagne… « Une habitation de paysan. Ô doux silence de la forêt !… »

En ces années, il se plonge dans la philosophie hindoue[1]. Ses cahiers de notes de 1815 et 1816 en sont remplis. Sa

  1. La première traduction allemande de la Bhagavad-Gîta est de 1802. En 1808, Frédéric Schlegel avait fait paraître son fameux ouvrage : Über die Sprache und Weisheit der Inder. Il ne semble pas douteux que Beethoven en ait eu connaissance. En cette même année, le célèbre orientaliste J. von Hammer-Purgstall entrait en relations directes avec Beethoven et lui communiquait des œuvres poétiques persanes et indiennes. (Cf. Correspondance de Beethoven, éd. Kalischer, vol. I, no 146).