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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/89

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Quel paradoxe étonnant, que de telles pensées soient épousées par le plus passionné des artistes, le plus livré à tous les assauts du sentiment, le révolté contre l’injustice, l’homme qui s’est voué à l’éternel combat « pour le droit et pour la fille du droit — la liberté ![1] » Quel effort grandiose pour s’oublier, — en se retrouvant, en conquérant son plus grand Moi, — « le Bienheureux, le Bhagavan !…[2] »

C’est une bataille de la Gita. Elle se livre, au fond de l’âme. Rien n’en affleure dans l’œuvre musicale de ce temps… Mais peut-être dans les premières pensées et les esquisses des grandes œuvres de plus tard… Ne venons-nous pas de voir que l’idée de la Neuvième Symphonie couve, dès le printemps de 1812 ?… Mais entre leur réalisation et ce puissant débat intérieur s’étend le désert de 1816-1817 : l’ultime crise, celle qui côtoie la mort.

Beethoven n’a pu, comme il le décrétait, « sacrifier tout ce qui s’appelle la vie au Très-Haut », faire de tout son être


    Fischhoff. On les trouvera in extenso dans le deuxième volume de l’excellent ouvrage de Albert Leitzmann : Ludwig van Beethoven, pages 252-254 et 257 (nos 74-77 et 106 des Persönliche Aufzeichnungen.)

    Le Dr Kalidas Nag, à qui j’ai communiqué ces textes, a reconnu dans les principaux (nos 74-75) des traductions des Upanishads et de la Bhagavad Gita (no 76). Une ligne du no 106 semble tirée d’une stance de Sakuntala.

  1. « Kampf für das Recht und für des Rechtes Tochter,
    die durchs Gesetz verklärte ew’ge Freiheit… »
  2. « … Du allein bist der wahrhaft Selige (Bhagavan)… »