Mme Streicher. Le voilà engagé, pour des années, dans les questions harcelantes et déprimantes de la domesticité et des factures de fournisseurs. Si les artistes ne s’y trouvent jamais à leur aise, combien moins que tous un Beethoven, et dans les conditions de démoralisation générale[1], qui sont le lot des années d’après guerre ! Les domestiques, chez Beethoven, c’est l’ennemi à domicile. Il vit dans des transes perpétuelles d’être volé : (un de ses valets n’est-il pas surpris, entrant dans un autre appartement, avec de fausses clefs ?)[2]. Il ne plaisante qu’à moitié, quand il supplie qu’on lui procure un domestique par qui il ne coure pas le risque d’être assassiné[3]. En vérité, il ne fait rien pour s’assurer contre ce danger ! La façon dont il traite ses serviteurs est d’une brutalité intolérable ; c’est une insulte permanente, que rien n’excuse et qui autorise les pires représailles. Il y a en Beethoven un fond de grossièreté paysanne, et de la pire, celle du petit employeur, qui traite ses valets de ferme « encore au-dessous du bétail » : (c’est l’expression même de Beethoven)[4]. Il se fait obéir des servantes à coups de coussins, à coups de bouquins et de tabourets jetés à leur tête[5]. Son principe — ou, prétend-il, le
- ↑ « Des jetzigen Menschenverfalles », qu’il analyse devant Fanny (29 juin 1817) ; et elle convient de l’exactitude de son jugement.
- ↑ 30 septembre 1816, à Zmeskall.
- ↑ Il demande à Zmeskall, le 5 septembre 1816, un domestique qui n’ait pas « le goût du meurtre » (mordlustig), — « afin, dit-il, que je sois sûr de ma vie ».
- ↑ « noch unter dem Vieh »… « ein erschreckliches Vieh… » (à Nanette Slreicher, fin 1817).
- ↑ Lettres à Nanette. Ed. Kalischer, nos 634, 635, 636.