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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/94

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BEETHOVEN

fruit de son expérience — est que « les gens (je vois cela maintenant tout à fait clair) doivent être traités, non par l’amour, mais par la crainte… » Qu’on ne s’étonne pas que ses valets y répliquent, en boxant avec lui ! Dans la seule soirée que les Giannatasio passent chez Beethoven, à Baden (septembre 1816), ils sont témoins d’un pugilat, d’où Beethoven sort, le visage tuméfié. Il peut bien, après, « se désespérer d’être condamné à passer la plus grande partie de sa vie avec cette classe d’hommes la plus infâme, et de devoir dépendre d’elle[1] ». Quand on commence par mépriser les gens, on ne doit pas s’étonner qu’ils vous haïssent et qu’ils cherchent tous les moyens de se venger. Rien de surprenant que ses domestiques s’entendent derrière son dos, avec la belle-sœur outragée, la mère du petit, qui est toujours à guetter, pour s’introduire dans la maison, quand Beethoven est sorti ! Il y a de quoi perdre la tête, au milieu de ces intrigues, de ces complots, de ces cancans, de ces disputes, de ce vacarme de domestiques (combien sont-ils ?) Ils ne cessent pas de se succéder, l’un après l’autre flanqués à la porte, avec éclat, mais on n’arrive pas à comprendre pourquoi Beethoven a besoin de tant de gens, — certains mois, jusqu’à deux servantes et un valet !…). Un beau milieu pour l’enfant !

Et cependant, quelle tendresse ! Comme il est tout, cet enfant, pour Beethoven ! Et le pauvre homme voudrait être tout pour lui… Vieux amoureux rebuté !… C’est une calamité, pour soi et pour les autres, qu’une telle masse

  1. « … mit dieser, der verworfensten Menschenklasse, mein Leben grösstentheils zubringen zu müssen… » (27 juillet 1817, à Zmeskall).