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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/97

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

pauvre gosse, porteur d’une lourde hérédité, qui de bonne heure a eu sous les yeux, dans sa maison maternelle, de tristes exemples, qui a été habitué à obéir « sous la peur des coups[1] », et qui continuera de vivre dans la crainte des gronderies emportées de Beethoven, est faible, pas sûr, dissimulé ; il a une déplorable facilité à mentir et un penchant vicieux à faire de faux rapports aux uns contre les autres[2] ; disputé entre la mère et l’oncle ennemis, il apprend vite à se servir de leur inimitié, en leur mentant à tous les deux, alternati-

  1. Lettre de B. à Giannatasio, fin 1816.
  2. Il provoque ainsi des malentendus entre Beethoven et les Giannatasio. Et quand Beethoven l’a pris chez lui, il conspire avec les domestiques. Fanny parle, avec une extrême sévérité, — (qui, probablement, dépasse la mesure) — de la « vilenie » (Niedrigkeit) du petit (30 novembre 1818). Elle est bouleversée de ce que la gouvernante lui en a raconté ; elle dit que c’est bien plus que de la « légèreté » (Leichtsinn). « Il y a là le mal incarné… (der Keim des Bôsen). Il est nécessaire d’avertir Beethoven, quelque peine que cela puisse lui faire. Il « connaît sa légèreté sans bornes, mais ces traits d’un cœur corrompu (diese Züge eines verdorbenen Herzens), il ne les connaît pas, et il faut qu’il apprenne à les connaître, car plus tard ce serait trop tard, si ce n’est pas déjà trop tard, aujourd’hui… » — Il me paraît que la rigueur excessive de Fanny (causée, sans qu’elle s’en doute, par la jalousie que lui inspire l’amour exclusif de Beethoven pour le petit), n’était pas moins dangereuse que l’indulgence extrême de Beethoven. La malformation morale de Karl tenait surtout à sa faiblesse de caractère, épeuré par sa première éducation et habitué, de bonne heure, à dissimuler, par instinct d’auto-protection. Il reconnaît lui-même cette lâcheté secrète (beaucoup plus fréquente qu’on ne veut le dire), qui le portait à fausser la vérité. Dans un cahier de conversations, de janvier 1820, il se montre honteux d’avoir dit des choses fausses, en justice, contre son oncle. Il promet de les démentir, à la prochaine instruction, et demande pardon. « Cela me fait mal, dit-il, d’avoir été si faible. » (Es ist mir leid dass ich damais so schwach war…) (éd. W. Nohl, p. 268).