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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/129

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LES DERNIERS QUATUORS

tique ; et, empoignant un de ses visiteurs, il dévala au galop la pente à pic, sur les pierres qui roulaient, poussant de grands éclats de rire, aux dépens de l’homme effrayé qui protestait et trébuchait. Après quoi, ils sablèrent le champagne, à l’Helenenthal, et, de là, chez lui, ils poursuivirent les libations. Kuhlau, éméché, improvisa un canon sur le nom de Bach. Et Beethoven y répondit par un canon sur celui de Kuhlau (« kuhl, nicht lau ! »). Le lendemain, il s’inquiétait de ce qu’il avait écrit, il ne lui en restait plus aucun souvenir. Pour Kuhlau, il ne savait plus comment il était rentré chez lui.

Voilà dans quelle grosse allégresse bachique et rustique se trouvait le « convalescent », moins de quatre mois après sa crise presque mortelle, à la veille de la première exécution du fameux quatuor (7-9 septembre). Il débordait de forces et, une fois lancé, il ne pouvait plus s’arrêter, il s’était jeté dans le quatuor suivant (en si bémol). Il y entassait ses plaisirs et ses peines, des danses des champs et ses plus profondes méditations. Il se vantait de le terminer, avant la fin de l’été.

Qu’on ne nous dise pas que toutes ces variations de l’humeur de Beethoven n’intéressent pas l’étude de son œuvre» Je sais fort bien que le génie de Beethoven était parvenu à un tel degré de concentration qu’il était, dans sa création, presque totalement détaché des événements extérieurs de sa vie. Mais il ne pouvait b être de ses dispositions intérieures : joie ou tristesse, santé ou maladie ; et il est impossible qu’on n’en retrouve les lumières et les ombres dans les pages qu’il écrit.

Nous croyons en avoir assez dit pour montrer quelle gamme variée d’états d’âme a alimenté le quatuor en la