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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/146

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BEETHOVEN

« Vraiment, la vie lui serait intolérable, si elle n avait un plus haut prix. » — Et il entend par là ses devoirs envers « Vart divin », qui le soulève au-dessus de ses misères[1]. Il lui faut vivre encore, pour le servir, pour dire au monde le message dont il est chargé :

« Apollon et les Muses ne me laisseront pas encore livrer à la mort, car je suis encore leur débiteur, et je dois, avant mon départ pour les Champs Élysées, léguer ce que l’Esprit m’inspire et m’ordonne d’accomplir. J’ai le sentiment d’avoir à peine écrit quelques notes. (Ist es mir doch als hatte ich kaum einige Noten geschrieben) » (aux Schott, 17 sept. 1824).

Les dieux de l’Olympe — ou du Thabor (il les confond dans son imagination et dans son cœur de chrétien hellénisé de l’Allemagne de Gœthe et de Klopstock) — ont entendu sa touchante prière, son acte de foi, et le ramènent aux rives de la vie.

Il les remercie, et nous entendons, comme il l’écrit d’abord en allemand, son « Heiliger Dankgesang an die Gottheit eines genesenen » (le chant sacré de remerciement d’un guéri à la Divinité).


    remuer les doigts, presque impossible de rien faire par ce triste tempsQu’il est pénible de vivre !… Vraiment, la vie me serait intolérable si elle n’avait un plus haut prix… Forte diarrhée, pas de médecin, pas une seule sympathie… je deviens toujours plus maigre… Où ne suis-je pas blessé et déchiré ? Je me sens encore si faible que je puis à peine aller droit… La solitude continue m’affaiblit encore plus… En vérité, ma faiblesse touche souvent à l’Ohnmacht (sans force)… Oh ! ne me blesse plus, sans quoi l’homme à la faux ne tardera plus longtemps. » (Lettres de mai et de la première quinzaine de juin 1825 à son neveu et à Ferd. Piringer).

  1. « Nur die g*ottliche Kunst, nur in ihr sind die Hebel (leviers), die mir Kraft geben, den himmlischen Musen den besten Theil meines Lebens zu opfern. » (A Nägali, 9 septembre 1824).