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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/229

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LES DERNIERS QUATUORS

concerne, nous conviendrons que cette œuvre exige de l’auditeur une tension d’esprit presque surhumaine, et que la constance des hautes températures où elle se maintient, pendant les trois-quarts de son cours, met à l’épreuve l’oreille et l’esprit les plus aguerris à ces grands vols d’altitude[1]. Mais qui pourrait dire que les plus hautes œuvres qui sont les cimes du genre humain, Eschyle, Dante, soient accessibles à des poumons non exercés ?

Quoi qu’il en soit, Beethoven pouvait dire, ici encore, son : « Exegi monumentum… » — Il avait réalisé, comme dans la fin de la sonate op. 106, et dans un style encore plus monumental, son projet tenace de grand constructeur, qui voulait


    l’atmosphère, la furie de ces décharges électriques, est effrayante ; on en a le souffle coupé. Ce n’est plus le tourbillon vertigineux du finale ivre de la Septième Symphonie. C’est un piétinement orgiastique, qui fait penser à certaines danses de peuples primitifs. On en trouvera un autre exemple saisissant dans le Scherzo du quatuor op. 135.

  1. Beethoven se vit contraint d’extraire la Grande Fugue du quatuor en si bémol. Il se résigna à accepter la proposition de l’éditeur Artaria, qui lui offrait de publier la fugue à part, à quatre mains. Il confia la tâche au pianiste Anton Halm, son admirateur enthousiaste, qui s’y mit aussitôt, avec ferveur. En y travaillant, Halm « s’extasiait, à chaque mesure, sur la puissance de l’harmonie et sur son flot, ainsi que sur la richesse des expressions artistiques employées jusqu’à l’épuisement, et sur leur élaboration ». (Lettre du 24 avril 1826 à Beethoven).— En dépit de tous ses soins, Beethoven ne fut pas satisfait du morcellement des parties, à quatre mains. Halm s’était appliqué à rendre la transcription facile à jouer, sans entrecroisement excessif des mains ; cet effort l’avait amené à attribuer souvent à la main droite ce qui appartenait à la gauche. Beethoven, mécontent, refit lui-même le travail : ce qui causa des ennuis d affaires, car Artaria avait déjà accepté et payé l’arrangement de Halm. — Finalement, ce fut l’arrangement de Beethoven, qui fut publié, le 10 mars 1827, comme op. 134, sans préjudice de la Fugue pour quatuor, op. 133.