Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
59
LES DERNIERS QUATUORS

[partition à transcrire]

revient plus de cinquante fois, comme un grondement de fauve exaspéré ; et les sauvages bonus d’octaves qui suivent, confirment l’impression. Un autre motif, de plainte douloureuse, se fait entendre ; et parfois, il s’élèvera à la plus sublime acceptation. Mais jamais il ne parviendra à apaiser le bouillonnement presque continu de colère, qui de nouveau explose avec une violence accrue, et dont le frisson parcourt tout le morceau. Il n’y a que la mort qui pourra en avoir raison ; et, en vérité, la Coda saisissante est une dernière scène de tragédie, où le héros — le Coriolan mourant — succombe, sans renoncer, l’espace d’une demi-mesure, à son furieux rugissement, (sept fois répété en dix mesures), qui se prolonge en s’éloignant, comme dans les profondeurs d’un enfer.

Tout autre est l’élégiaque second morceau, l’allegretto ma non troppo, qui évoque le rêve du passé. Il est lui-même comme une ombre des Champs-Elysées ; son charme est indéfinissable ; sa forme gracieuse et fluide, son ravissant sourire, pâle et mélancolique, flottent, échappent à l’étreinte, oscillent perpétuellement entre deux tonalités (ré majeur et sol mineur), sans jamais se poser. Le thème de fugue, ébauché par l’alto et repris en fugato par les autres instruments, ajoute encore, au lieu de la préciser, à cette impression de troubles contours et d’incertitude qui cherche en tâtonnant à saisir la plaintive Eurydice, qui toujours se dérobe à la main. Il y a beaucoup de tristesse, de tendresse