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BEETHOVEN

déçue ; et l’Orphée, assombri, semble à la limite des reproches amers. Mais la tendresse l’emporte ; elle caresse mélodieusement le front du vieux amoureux qui s’abandonne à ses sortilèges, — sans oublier (les dernières mesures trahissent sa peine) que cette tendresse, que ce bonheur, il a dû « les créer de toutes pièces, avec soi-même », et qu’« il n’y a pour lui aucun bonheur du dehors ».

Au rêve s’enchaîne, par un plaintif accord de septième diminuée, l’agitation désordonnée (très ordonnée) du troisième morceau, ces cris, ces plaintes entrecoupées, ces heurts de l’âme qui, sous l’effet du rêve trompeur qui vient de se dissiper, semble avoir perdu son équilibre léonin du premier morceau : (nous sommes loin ici du jeu habituel des scherzos !…) La page qui devrait jouer le rôle de trio apporte la consolation d’en haut : sur d’angéliques arpèges, comme de harpes, éclairés d’une lumière enchanteresse et fluide (sol bémol mineur et ré majeur), s’élève un chant choral, une voix sereine qui dit : « — Paix !… » Pax vobiscum !… et qui caresse l’âme agitée. Mais la lumière s’assombrit, du ré majeur au si mineur, et ramène au trouble du scherzo. Une nouvelle intervention de la voix d’en haut, en ré majeur, repasse par des troubles de lumière. La tranquillité ne se rétablit pas. Le morceau finit sur une brève et violente affirmation d’énergie.

Le dernier morceau est précédé d’un prélude (larghetto) tourmenté, dont les plaintifs intervalles ont évoqué, pour certains, « Tristan ». Comme un hélas ! répété, le

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