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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/71

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LES DERNIERS QUATUORS

qui finit par briser les digues, déchaîne le torrent dramatique du finale[1] Fureur, douleur, mais ici tout devient arme pour le combat. Charge emportée, tranchants d’accords qui s’abattent comme des sabres, éclairs, tonnerre qui gronde, c’est en réduction une symphonie de bataille. Tout y évoque l’ouverture d’« Egmont », — jusqu’à la brusque mutation du sombre mineur en majeur et la jubilation victorieuse de la fin. On dirait que Reethoven a voulu adapter à la mesure de son destin l’épopée — deuil, combat et triomphe du héros de Goethe. N’était-il pas encore tout vibrant de cette musique ? En cette année 1810, il marchait, enveloppé de ces grandes ombres et de cette lumière.



Le trio en si bémol op. 97, dont les esquisses suivent de peu celles du quatuor, prolonge cette lumière. On peut dire que la victoire de l’âme y a atteint son étiage et s’y tient étale, dans une heure unique de sérénité splendide.

Et puis, après, elle décroît. Et Beethoven entre dans les années sombres, dans les années sèches, — le grand Désert,

  1. Par quelle aberration 1 analyse de Thayer, visiblement marquée d’une de ces absurdités propres au réviseur de l’édition, Hugo Riemann, a-t-elle vu dans ce ruissellement de passion dramatique un « morceau de chasse » (ein Jagdstück ! »). Un tel non-sens suffirait à jeter le doute sur les travaux critiques de Hugo Riemann, dont la considérable érudition ne compense point — n’a fait qu’aggraver le manque complet de juste sens musical.