Aller au contenu

Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
BEETHOVEN

au seuil duquel se dressent, en sentinelles, deux géants : les deux Symphonies des forêts[1] : du haut de leurs tours, elles font ressortir, par contraste, la fuite des sources, la plaine aride, qui va s’étendre autour. Nous avons, dans un volume précédent, décrit la malédiction de ces années, où Beethoven se sentait mourir vivant, — et le miracle de la Résurrection, qui célébra son chant de Pâques, dans les grandes hymnes de la Sonate op. 106, de la Missa Solemnis, et de la Neuvième Symphonie. Toutes les forces de l’esprit se trouvaient engagées dans ces colossales épopées. Il n’en restait plus pour les quatuors. Quand il était pressé de se confesser, Beethoven recourait à son clavier ; et il lui confia ses trois belles dernières sonates. — Mais déjà, le piano ne le satisfaisait plus. Et il commence de se sentir repris par la nostalgie du quatuor. Nous avons vu qu’il suffit d’un choc, d’une occasion venue du dehors, pour l’y ramener. Il n’avait même pas attendu, pour couver l’op. 127 — et peut-être déjà les suivants.

Mais il ne revenait plus au quatuor dans le même état où, treize ans avant, il l’avait laissé. Il le reprenait, quand il était mûri par de multiples expériences, riches et pénibles : (il faut tout acheter !) Pas seulement celles de la vie, mais celles de l’art, les monumentales constructions, qu’il venait à peine d’achever.

Il n’était pas à craindre que celles-ci projetassent leur ombre sur les quatuors qui allaient naître. Bien que, comme nous le verrons, il ne se pouvait pas qu’on n y retrouvât,

  1. Septième et Huitième, écrites à Teplitz.