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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/136

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Frère, j’allais justement te faire la même prière.

— Alors, frère, dit-il, faut se casser la tête.

— J’y pensais, répondis-je ; mais, Pinon, il m’en coûte.

— Moins qu’à moi, mon Breugnon. Va-t’en donc, s’il te plaît : c’est assez d’un seul coq dans un seul poulailler.

— D’accord, dis-je, va-t’en, toi : car la poule est à moi.

— À toi ! tu as menti, cria-t-il, paysan, cul-terreux, et mangeux d’caillé ! Elle est mienne, je la tiens, nul autre n’y goûtera.

— Mon pauvre ami, je réponds, tu ne t’es donc pas regardé ! Auvergnat, croque-navets, à chacun son potage ! Ce fin gâteau de Bourgogne est à nous ; il me plaît, j’en suis affriandé. N’y a point de part pour toi. Va déterrer tes raves.

De menace en menace, nous en vînmes aux coups. Pourtant, nous avions regret, car nous nous aimions bien.

— Écoute, me dit-il, laisse-la-moi, Breugnon : c’est moi qu’elle préfère.

— Nenni, dis-je, c’est moi.

— Eh bien, demandons-lui. L’évincé s’en ira.

— Tope-là ! qu’elle choisisse !…

Oui, mais allez donc demander à une fille qu’elle choisisse ! Elle a trop de plaisir à prolonger l’attente, qui lui permet de prendre en pensée l’un et l’autre et de n’en prendre aucun, et de tourner, retourner sur le gril ses galants… Impossible de la saisir !