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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/137

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Quand nous lui en parlions, Belette nous répondait par un éclat de rire.

Nous revînmes à l’atelier, nous mîmes bas nos vestes.

— N’est plus d’autre moyen. Il faut que l’un de nous crève.

Au moment de s’empoigner, Pinon me dit :

— Bige-moi !

Nous nous embrassâmes deux fois.

— Maintenant, allons-y !

La danse commença. Nous y allions tous deux, à bon jeu bon argent. Pinon m’assenait des coups à m’enfoncer le crâne sur les yeux et moi, je lui défonçais le ventre, à coups de genoux. N’est rien tel que d’être amis pour bien être ennemis. Au bout de quelques minutes, nous étions tout en sang ; et de rouges rigoles, ainsi que vieux bourgogne, nous ruisselaient du nez… Ma foi, je ne sais pas comment cela eût tourné ; mais sûrement l’un des deux eût eu la peau de l’autre, si par grande fortune les voisins ameutés et maître Médard Lagneau, qui rentrait au logis, ne nous eussent séparés. Ce ne fut point commode : nous étions comme des dogues ; il fallut nous rosser pour nous faire lâcher prise. Maître Médard dut prendre un fouet de charretier : il nous sangla, gifla, puis enfin raisonna. Après le coup, Bourguignon sage. Quand on s’est bien cardé, on devient philosophe, il est bien plus aisé d’écouter la raison. Nous n’étions pas très fiers quand nous nous regardions. Et c’est alors qu’advint le troisième larron.