Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/150

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Elle rit :

— Mon ami Carabi, tu l’as dit.

Nous parlâmes d’autre chose, de nos champs et de nos gens, de nos bêtes et de nos enfants, mais quoi que nous fissions, nous retournions au galop, retournions à nos moutons. Je pensais qu’elle serait bien aise de connaître les détails de ma vie, des miens, de ma maison ; mais je vis (ô femelles curieuses) qu’elle en savait là-dessus presque aussi long que moi. Puis, de fil en aiguille, voilà que l’on babille, de-ci, de-çà, à gauche, à dextre, contre-mont, contre-bas, pour la joie de jaser, sans savoir où l’on va. Tous deux, à qui mieux mieux, de dire des calembredaines : c’était un feu roulant, on en perdait haleine. Et point n’était besoin d’insister sur les mots : devant qu’ils fussent sortis encore du fourneau, étaient happés tout chauds.

Après avoir bien ri, je m’essuyais les yeux, lorsque j’entends sonner six heures au clocher.

— Bon Dieu, dis-je, je m’en vas !

— Tu as le temps, dit-elle.

— Ton mari va rentrer. À le voir, je ne tiens pas.

— Et moi donc ! répond-elle.

Par la fenêtre de la cuisine, on voyait la prairie, qui déjà commençait sa toilette du soir. Les rayons du soleil couchant frottaient de leur poussière d’or les milliers de brins d’herbe aux petits nez frémissants. Sur les galets polis un ruisselet sautait. Une vache léchait une branche de saule ; deux chevaux immobiles, l’un noir une étoile au front, l’autre gris