Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/151

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pommelé, l’un appuyant sa tête sur la croupe de l’autre, rêvaient dans la paix du jour, après avoir brouté. Entrait dans la maison fraîche une odeur de soleil, de lilas, d’herbe chaude et de crottin doré. Et dans l’ombre de la chambre, profonde, moelleuse, fleurant un peu le moisi, montait de la tasse de grès que je tenais au poing, l’arôme affectueux du cassis bourguignon. Je dis :

— Qu’on est bien, ici !

— Et c’eût été ainsi tous les jours de la vie !

Elle me saisit la main.

Je dis (cela m’ennuyait d’être venu la voir, pour lui faire des regrets) :

— Oh ! tu sais, ma Belette, c’est peut-être mieux, tout compte fait, c’est peut-être mieux comme ça est ! Tu n’y as rien perdu. Pour un jour, ça va bien. Mais pour toute la vie, je te connais, je me connais, tu en aurais vite assez. Tu ne sais pas quel mauvais diable je fais, chenapan, fainéant, pochard, paillard, bavard, étourdi, entêté, goinfre, malicieux, querelleux, songe-creux, colérique, lunatique, diseur de billevesées. Tu aurais été, ma fille, malheureuse comme les pierres et tu te serais vengée. D’y penser seulement, mes cheveux se hérissent des deux côtés de mon front. Louange à Dieu qui sait tout ! Tout est bien comme il est.

Son regard sérieux et madré m’écoutait. Elle hocha du nez et fit :

— Tu dis vrai, Jacquet. Je le sais, je le sais, tu es un grand vaurien. (Elle n’en pensait rien.) Sans doute, tu m’aurais battue ; moi, je t’aurais fait cocu. Mais