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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/152

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que veux-tu ? puisque aussi bien faut être l’un et l’autre en ce monde (c’est écrit dans les cieux), n’eût-il pas mieux valu que ce fût l’un par l’autre ?

— Sans doute, fis-je, sans doute…

— Tu n’as pas l’air convaincu.

— Je le suis, dis-je. Tout de même de ce double bonheur faut savoir se passer.

Et me levant, je conclus :

— Point de regrets, Belette ! D’une façon ou de l’autre, à présent ce serait de même. Qu’on ne s’aime pas ou qu’on s’aime, quand on est comme nous au bout de son rouleau, c’est passé, c’est passé, c’est comme s’il n’y avait rien eu.

Elle me dit :

— Menteur !

(Et comme elle disait vrai ! )

    • *

Je l’embrassai, je partis. Des yeux, elle me suivit, sur le seuil appuyée au chambranle de la porte. L’ombre du grand noyer s’allongeait devant nous. Je ne me retournai pas que je n’eusse tourné le coude du chemin, et que je ne fusse bien sûr que je ne verrais plus rien. Alors, je m’arrêtai pour reprendre mon souffle. L’air était embaumé d’un berceau de glycine. Et les bœufs blancs au loin mugissaient dans les prés.

Je me remis en marche ; et, coupant au plus court, je laissai le chemin, je gravis le coteau, je partis à travers vignes, et m’enfonçai sous bois. Ce