Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/153

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n’était pourtant pas afin de revenir plus vite. Car, une demi-heure après, je me trouvai toujours à la lisière du bois, sous les ramures d’un chêne, immobile, debout, et bayant aux corneilles. Je ne savais ce que je faisais. Je pensais, je pensais. Le ciel rouge s’éteignait. Je regardais mourir ses reflets sur les vignes aux petites feuilles nouvelles, brillantes, vernissées, vineuses et dorées. Un rossignol chantait… Au fond de ma mémoire, dans mon cœur attristé, un autre rossignol chantait. Un soir pareil à celui-ci. J’étais avec ma mie. Nous montions un coteau que tapissaient les vignes. Nous étions jeunes, joyeux, grands parleurs et rieurs. Soudain, je ne sais pas ce qui se passa dans l’air, le souffle de l’angélus, l’haleine de la terre, dans le soir, qui s’étire et soupire, et vous dit : « Viens à moi », la douce mélancolie qui tombe de la lune… Nous avons fait silence, tous deux, et tout d’un coup nous prîmes la main, et sans nous dire un mot, et sans nous regarder, nous restions immobiles. Alors monta des vignes, sur lesquelles la nuit de printemps s’était posée, la voix du rossignol. Pour ne pas s’endormir sur les ceps dont les vrilles traîtresses s’allongeaient, s’allongeaient, s’allongeaient, autour de ses petons à s’enrouler cherchaient, pour ne pas s’endormir chantait à perdre haleine sa vieille cantilène le rossignol d’amour :

  « La vigne pouss’pouss’pouss’pouss’
 Je n’dors ni nuit ni jour… » 

Et je sentis la main de Belette qui disait :