Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/162

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pour enchanter tous leurs sens à la fois, et parce que, paraît-il, on mange mieux en musique (je n’en ai cure, moi, si je mange et je bois), on chargea quatre maîtres croque-notes de choix, deux violes, deux hautbois, en plus un tambourin, d’aller sur leurs crincrins sonner la sérénade aux hôtes du château, en enfournant le gâteau.

Je me mis de la bande, avec mon flageolet, sans qu’on m’en eût prié. Je ne pouvais manquer une occasion de voir des figures nouvelles, surtout quand il s’agit de volailles de cour (non point de basse-cour ; je vous prends à témoin que je n’ai rien dit de tel). J’aime leur fin plumage, leur babil et leurs mines, quand ils se lissent les plumes, ou vont se dandinant, tordant le cul, nez au vent, et décrivant des ronds avec leurs ailes, leurs pattes et leurs pilons. D’ailleurs, qu’il soit de cour ou d’ailleurs, d’où qu’il vienne, qui m’apporte du nouveau pour moi est toujours beau. Je suis fils de Pandore, j’aime lever le couvercle de toutes boîtes, de toutes âmes, blanches, crasseuses, grasses, maigres, nobles ou basses, fureter dans les cœurs, savoir ce qui s’y passe, m’enquérir des affaires qui ne me regardent pas, mettre mon nez partout, flairer, humer, goûter. Je me ferais fouetter, par curiosité. Mais je n’en oublie pas (vous pouvez être tranquilles) de mélanger toujours le plaisant à l’utile ; et comme justement pour le sire d’Asnois j’avais en mon atelier deux grands panneaux sculptés, je trouvai bien commode de les faire porter, sans bourse délier, sur une des charrettes, avec les délégués, les violes,