Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/163

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les hautbois et les biscuits glacés. Nous avions pris aussi avec nous ma Glodie, la fille de Florimond, pour profiter du char (c’était une occasion), sans qu’il en coûtât rien. Et un autre échevin emmenait son garçon. Enfin, l’apothicaire chargea sur la voiture des sirops, hypocras, hydromel, confitures, qu’il prétendait offrir, étant de ses produits, aux frais de Clamecy. Je note que mon gendre le trouvait fort mauvais, disant que ce n’était la coutume et que si chaque maître, boucher, boulanger, cordonnier, barbier, et cætera, en voulait faire ainsi, on ruinerait la ville et les particuliers. Il n’avait point si tort ; mais l’autre était échevin, comme lui, Florimond : n’y avait rien à dire. Les petits sont sujets aux lois ; et les autres les font.

On partit sur deux chars : le maire, les panneaux, les cadeaux, les marmots, les quatre musiciens et les quatre échevins. Mais moi, j’allais à pied. Bon pour les impotents de se faire charroyer, comme veaux à l’abattoir ou vieilles au marché ! À vrai dire, le temps n’était pas des plus beaux. Le ciel était pesant, orageux, farineux. Phébus dardait son œil rond et brûlant sur nos nuques. La poussière et les mouches s’élevaient de la route. Mais à part Florimond, qui craint pour son teint blanc, plus qu’une demoiselle, nous étions tous contents : un ennui partagé est un amusement.

Aussi longtemps qu’on vit la tour de Saint-Martin, chacun des beaux messieurs garda l’air compassé. Mais sitôt qu’on fut hors des yeux de la cité, tous les fronts s’éclaircirent, et les esprits se mirent,