Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/165

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avaient eu soin de faire un arrêt pénultième, afin de revêtir leurs robes d’apparat, à l’abri du soleil soigneusement pliées, leurs belles robes de lumière, chaudes aux yeux, riantes au cœur, de soie verte pour le maire et de laine jaune clair pour ses quatre compères : on eût dit un concombre et quatre potirons. Nous entrâmes en faisant sonner nos instruments. Au bruit, l’on vit sortir des fenêtres les têtes des valets désœuvrés. Nos quatre vêtus-de-laine et l’habillé-de-soie montèrent le perron, à la porte duquel daignèrent se montrer (je ne voyais pas très bien) sur deux fraises deux têtes ( « à la fraise on connaît la bête » ), frisées, enrubannées, ainsi que deux moutons. Nous autres, croque-musique et croquants, nous restions au milieu de la cour. En sorte que je ne pus entendre de si loin le beau discours latin que fit notre notaire. Mais je m’en consolai : car crois que maître Pierre fut seul à l’écouter. Je me gardai bien, en revanche, de manquer le spectacle de ma petite Glodie, montant à pas menus les marches de l’escalier, ainsi qu’une Marie dans la Présentation, et serrant contre son giron, entre ses deux menottes, la corbeille de biscuits étagés qui montaient jusqu’à son menton. Elle n’en perdit pas un : elle les couvait des yeux et des bras, la gourmande, la friponne, la mignonne… Dieu ! je l’aurais mangée…

Le charme de l’enfance est comme une musique ; elle entre dans les cœurs plus sûrement que celle que nous exécutions. Les plus fiers s’humanisent ; on redevient enfant, on oublie un instant son