Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/218

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auprès d’elle, jouissant encore plus qu’elle de sa convalescence. Un enfant qui guérit c’est comme si l’on voyait la création du monde ; tout l’univers vous semble frais pondu et laiteux. Donc, je flânais, écoutant distraitement les nouvelles qu’apportaient, s’en allant au marché, les commères. Lorsqu’un jour un propos me fit dresser l’oreille, vieux baudet qui voit venir la trique de l’ânier. On disait que le feu avait pris, à Clamecy, dans le faubourg de Beuvron, et que les maisons flambaient comme des margotins. Je ne pus obtenir aucun autre renseignement. À partir de ce moment, je fus, par sympathie, sur des charbons assis. On avait beau me dire :

— Reste tranquille ! Les mauvaises nouvelles sont prestes comme l’hirondelle. S’il s’agissait de toi, tu le saurais déjà. Qui parle de ta maison ? Il y a plus d’un âne en Beuvron…

Je ne tenais plus en place, je me disais :

— C’est elle… Elle brûle, je sens le roussi… Je pris mon bâton, je partis. Je pensais :

— Bon Dieu de bête ! c’est la première fois que je quitte Clamecy, sans rien mettre à l’abri. Dans tous les autres cas, aux approches de l’ennemi, j’emportais dans les murs, de l’autre côté du pont, mes dieux lares, mon argent, les travaux de mon art dont je suis le plus fier, mes outils et mes meubles, et ces brimborions qui sont laids, encombrants, mais qu’on ne donnerait pas pour tout l’or de la terre parce qu’ils sont les reliques de nos pauvres bonheurs… Cette fois, j’ai tout laissé…