Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/244

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Demain, vous verrez plus clair. L’heure nous presse, allons, laissons les fariboles. Où pouvons-nous causer ?

Gangnot dit :

— Dans ma forge.

Dans la forge à Gangnot, sentant la corne, au sol pétri par les sabots des chevaux, nous nous tassâmes dans la nuit, comme un troupeau. Porte fermée. Un lumignon, posé à terre, faisait danser sur la voûte noire de fumée nos grandes ombres ployées au cou. Tous se taisaient. Et brusquement, tous à la fois parlèrent. Gangnot prit son marteau et frappa son enclume. Le coup troua le bruit des voix ; par la déchirure, le silence rentra. J’en profitai, je dis :

— Ménageons notre souffle. Je sais déjà l’histoire. Les brigands sont chez nous. Bien ! Mettons-les dehors.

Ils dirent :

— Ils sont trop forts. Les flotteurs sont pour eux.

Je dis :

— Les flotteurs ont soif. Quand ils voient d’autres boire, ils n’aiment pas regarder. Je les comprends très bien. Il ne faut jamais tenter Dieu, un flotteur encore moins. Si vous laissez piller, ne vous étonnez point que tel qui n’est pas un voleur aime mieux dans sa poche voir le fruit du larcin que dans celle de son voisin. Puis, il y a partout des bons et des mauvais. Allons, comme le Maître, « ab haedis scindere oves » .

— Mais puisque M. Racquin, dirent-ils, l’échevin, nous défend de bouger ! C’est à lui qu’appartient,